Un Pertuis ardu, un chalet perdu. Une équipère en or. (en été)
Date de cette virée = 20 et 21 juillet 2008
Suite et fin de cette virée avec Emilie ? >> descendez par ici <<
Une autre virée par ce couloir, 1 mois avant ? >> passez par là <<
Emilie et moi, nous sommes entrés en relation via >> Camptocamp <<
Via ce présent site aussi ( qui est fait pour , d'ailleurs).
Elle est lyonnaise ( on ne peut pas avoir toutes les qualités !), elle a envie de connaître Belledonne un peu mieux.
Ok, pour une virée de 2 jours "cool" , "facile", "juste un peu impressionnante par endroit, histoire de pouvoir se vanter un peu au retour". Histoire de s'apprivoiser réciproquement, avant une éventuelle virée plus sérieuse.
Ok, pour passer par le couloir du Pertuis, ça lui fait même pas peur.
Facile et rapide aussi de nous trouver une compatible "philosophie montagnarde" ( qu'on soit sur les sommets ou en plaine) : plutôt à l'écart des sentiers battus, zénitude parfaite, et aussi des engagements.
La difficulté , c'est de fixer une date qui convienne à chacun.
Plus compliqué encore = une date commune qui , 6 jours à l'avance, coïncide avec une météo potable...
Un genre de difficultés qui joue souvent sur la sécurité.
(En solo, cet aspect-là, agenda + météo, c'est plus simple à gérer, et même, carrément moins risqué.)
Autre genre difficultés = l'indispensable zénitude peut être confondue avec un optimisme exagéré, et l'engagement serein avec une obstination malencontreuse.
Ce photo-reportage contient aussi de petites leçons, des rappels ( que je me fais aussi à moi-même), concernant la sécurité.
Des distractions infimes, des petites négligences, ... = cela conduit vite à de graves ennuis.
JOUR 1 = Sale temps !
Pas d'bol... La journée de mauvais temps, que Météo-France annonçait en début de semaine pour le samedi, s'est retardée et déboule ce dimanche.
Nous avons été retardés nous aussi, nous partons du parking du Gleyzin vers 12h 30.
Objectifs "prévus"du JOUR 1 = d'abord le couloir du Pertuis, et de l'autre côté, baignade et camping aux lacs du Morétan.
Ce second grand objectif d'alpinisme est d'emblée très compromis....
Les nuages s'assombrissent, s'éclaircissent, s'assombrissent... Nous prions tous les dieux de la Terre pour qu'ils ne nous soient pas trop violemment défavorables.
Je laisse la décision à Emilie =
Plan B = On se réfugie... au Refuge de l'Oule, à moins de 2 heures.
Plan C = On se chalète, après le couloir, en redescendant jusqu'au Chalet du Merlet.
Au pied du mur, au pied du couloir, on voit les maçons et les alpinistes.
Brève tentative de pause-casse-croûte, sous la pluie qui redouble d'intensité, et ous les grêlons, et moi, pas encore correctement vêtu, je grelotte.
Et brèves réflexions :
-- ... il n'est pas bien loin, ce refuge de l'Oule...
-- ... bah, on n'aura qu'à aller jusqu'au chalet du Merlet...
Nous avons encore foi dans le dieu Météo-France, qui nous a promis que ces cochonneries venues du Sud-ouest vont être balayées par unfort vent de Nord, nous ramenant l'anticyclone.
Mais dans combien de temps ???
Emilie, crampons aux pieds, indique la marche à suivre. Y a plus qu'à...
La sortie, c'est tout droit !
Enfin presque, car sur les 200, 400 derniers mètres , ça tourne à gauche.
Il y a un mois la neige montait jusqu'à ce gros rocher qu'on aperçoit et qui mesure facile 3 ou 4 mètres en hauteur.
Est-cette neige un peu bosselée par la fonte, reposant nos chevilles et mollets, qui facilite le début de notre ascension ?
En tout cas, il est assez sympa, ce large couloir du Pertuis.
Le risque de chute de pierres est nul, ou quasi nul. C'est rare, pour un couloir estival.
En hiver, il est bien avalancheux, c'est pourquoi, il garde longtemps une neige très tassée, même s'il est exposé au sud.
Petite erreur de mon équipière.
Elle n'avait pas vu le "petit bidule" qui permet d'ajuster la dragonne du piolet autour de son poignet. C'est vite résolu.
Faut quand même que je regarde aussi devant moi. 2 ou 3 minces ponts de neige à franchir.
Je tâte d'abord du bâton, avant d'y poser un pied . ( léger, le pied ! un pied de chamois, pas un pied de mammouth...)
Au pied du couloir, j'avais constaté que la neige était bien dure.
Un chouïa trop dure d'ailleurs, on s'en apercevra plus tard...
Je regarde aussi Emilie de temps à autre, elle se débrouille pas mal sur ses crampons.
Même si elle a moins d'entraînement et d'expérience que moi (moi qui suis un autodidacte du cramponnage en couloir, qui ai déjà vécu pas mal d'erreurs à ne pas commettre), je ne me fais pas de mouron.
Emilie, elle, a fait des initiations, des sorties avec le CAF, le Dôme des Ecrins...
Pourtant, sur cet agrandissement de la même photo, je vois une dangereuse erreur :
( sans parler du bâton, long, qui serait bien mieux en aval, et du piolet, plus court, qu'il faudrait tenir par le bras amont), les pieds, les crampons sont mal placés.
Emilie est en traversée ascendante, la pente sur sa droite.
Elle vient ou elle est en cours de soulever la jambe gauche, de l'aval vers l'amont.
Le croisement de jambes, le "croisement de crampons" n'est pas loin !
Croisement de crampons aussi casse-gueule que le croisement des skis, surtout avec un piolet mal placé...
Solution, en cas d'erreur de ce genre ?
"reculer", remettre doucement ce pied gauche en arrière en aval, bien en travers de la pente. L'appui sera bon. Ensuite déplacer le pied droit pour l'orienter plus franchement en direction de l'amont.
Principe valable pour toute progression en traversée, ascendante ou descendante, qu'on soit avec ou sans crampons = orienter toujours le pied amont vers l'amont.
La posture relativement dangereuse d'Emilie est favorisée par ses crampons, pas tout à fait ad-hoc.
Elle n'a pas de chaussures à "débord au talon", qui permettent d'y fixer des crampons "semi-automatiques".
Je lui ai prêté d'anciens crampons, à lanières,adaptables à toutes chaussures.
Seulement, le passage des lanières est plus compliqué. Après plusieurs arrêts-crampons, je m'en souviens = il faut croiser les lanières derrière, sur le talon.
De plus, ces crampons-là, ce sont des "10 pointes". Conçus plutôt pour des traversées de névés pas trop pentus, ils ont le petit avantage d'être plus légers.
Mais le gros inconvénient d'accrocher moins bien, dès que la pente se fait plus raide.
Dans un couloir pas trop méchant comme celui-ci, avec une neige ni verglacée, ni trop molle, "ça peut l'faire" . Mais ce n'est pas l'idéal.
Surtout quand on s'aperçoit un peu tard d'un autre grave défaut de ces vieux "10 pointes de marque SIMOND" ...
Voici mes "CHARLET 12 pointes"..., des "semi-automatiques" . ( OK, ils ont bien vécu, les pointes usées, ...)
Beaucoup plus "sécure" que des "10 pointes" et pas beaucoup plus onéreux.
Conseil de Laurent G = Achetez d'abord ce genre de 12 pointes,semi-automatiques.
C'est increvable,c'est passe-partout, et avec la sécurité et la facilité qu'ils vous procureront, vous vous habituerez à eux, vous les prendrez en affection.
Les chaussures, si vous n'avez plus de sous, vous les emprunterez...
Remarquez, sur l'un des 2 anneaux , un "bout élargi". Cela permet de tourner la vis (invisible sur la photo) afin de régler la longueur du crampon à la pointure de la chaussure. ( absolument inutile de serrer la vis comme une brute !)
Sur la talonnière noire, la molette jaune sert à parfaire ensuite l'ajustement au talon.
1- Réglage du crampon à la pointure = sans que les lanières soient serrées, en forçant un peu, le crampon doit déjà tenir sans bouger sous la chaussure.
2- Ce réglage se fait aussi en jouant sur la molette de la talonnière. En bloquant la talonnière sur le débord de la chaussure, on doit forcer un petit peu encore et obtenir un joli bruit de"clac".
Sur le terrain, faire des tests, en traversée, et en malmenant les crampons sur des rochers. Ils doivent rester parfaitement solidaires de la chaussure.
Les lanières sont presque accessoires, l'essentiel, c'est cette molette.
Cette molette est aussi un point fragile .Son pas de vis peut facilement s'encrasser, vérifier avant de partir qu'elle tourne bien, dans un sens comme un autre.
(Même avec ce genre de crampons très sûrs, j'ai vu plusieurs fois des gens en difficultés sérieuses = le crampon ne tenait pas sous la chaussure, faute d'avoir ajusté et vérifié les réglages la veille au refuge...)
Les soucis de crampon (au pied droit surtout) de mon équipière vont s'aggraver, il a tendance à se séparer de la chaussure. Mes vieux crampons SIMOND, je ne les ai vérifié qu'au dernier moment, Emilie avait aussi oublié de monter chez moi avec ses chaussures... Et j'ai mal fait le réglage en longueur, plus laborieux à effectuer sur ces crampons-là.
Au cours de la montée du couloir, nous essayons de rajuster la longueur de ce crampon = impossible, car la vis est fragile, je risque de l'abîmer définitivement avec le tournevis de mon couteau-suisse (qui convient parfaitement pour mes CHARLET), impossible car il faudrait avoir en plus une clé pour bloquer l'écrou.
Et pourtant..., dès avant le départ, j'avais des doutes, j'avais ajouté dans le coffre de la voiture le petit outillage nécessaire... Et pourtant..., on charge les sacs sur le dos, j'hésite une seconde,..., je charge les 3 kilos supplémentaires de tente, tout en me disant qu'elle ne servira pas, vu la mauvaise météo...
Et pourtant, un centième de seconde encore..., j'hésite encore, est-ce la pluie qui commence à tomber qui me distrait ?...
Non, en un millième de seconde, je la prends cette décision = ces quelques grammes d'outils à crampons restent dans le coffre.
Pas un oubli, non, mais une décision de ma part, sans prendre une seconde de réflexion. Stupidité sans fond de ma part !
En montagne, ne pas se donner le temps d'observer et de réfléchir, c'est stupide.
Et dangereux ! (surtout quand "on sait", quand "on connaît")
Je fais une petite démonstration à Emilie d'ascension plus directe dans la pente, avec les 2 piolets.
Ne suivez pas le mauvais exemple que je lui ai montré, "la grimpe à la paresseuse" , piolets bien en mains certes, mais sans mettre les bâtons sur le sac, les laissant suspendus aux poignets, traînant au sol.
Idéal pour trébucher, surtout quand on n'a pas une grande habitude de la "paresse".
Et regardez plutôt sa jambe droite et son pied droit. Ils sont encore en amont, mais encore en traviole, la moitié des crampons accrochant l'air, plutôt que la neige...
OK, elle a bon appui sur la jambe / crampon gauche, en aval, ...Mais que va-t-il se passer quand, selon un geste qui paraît normal, elle va soulever cette jambe gauche = quasi zéro appui sur les jambes - pieds- crampons.
Rien de grave pour le moment, car , grâce au 2ème piolet, (celui qui se trouve présentement en amont, dans sa main droite), elle corrige, spontanément, l'erreur de son pied droit. Elle se "penche vers le haut", enfonçant plus fermement et avec moins de difficulté piolet.
Si jamais elle croisait maintenant ses crampons, elle chuterait sur les genoux, mais ne glisserait pas, retenue par le couple piolet / dragonne.
Le plus sûr pourtant serait qu'elle conserve d'abord ces 2 bons appuis (piolet droit en amont, jambe-crampon gauche, en aval. Sans soulever cette jambe d'appui, tourner le reste du corps vraiment vers l'amont, et notamment ce bras gauche, avec son piolet gauche qui ne demande qu'à venir l'aider et la sécuriser en se plantant en amont.
J'exagère la description du mouvement =
1) On ne bouge pas les pieds. 2) Commencer à tourner le reste du corps vers l'amont. 3) En même temps qu'on tourne le corps, ce bras gauche en aval, avec son piolet qui pendouille dans l'air, il faut le lever au-dessus de sa tête, l'amener vers l'amont 4) Le bras va retomber naturellement, et ce second piolet va se planter facilement à l'amont. Son pied-crampon droit va quitter tout seul cette position "en traviole", et s'orienter lui aussi vers l'amont.
L'instant suivant, Emilie, au lieu de continuer l'ascension, se tourne vers le bas (et on le lui pardonne bien volontiers, car c' est pour me faire un sourire. A vous aussi.)
La neige, bosselée par la fonte par endroits, (offrant ainsi aux pieds de mini-horizontalités ) et la pente moins raide ici lui apporte "confort et sécurité".
Elle a le sourire, avec cette découverte géniale des 2 piolets-dragonne
( en réalité," l'alpinisme - 4 pattes" a depuis longtemps été inventé par les chamois) .
Ellle se sent en sécurité...
Même si son campon droit est encore plus en traviole que précédemment.
Même si tournée vers le bas, elle appuie moins sur son piolet droit à l'amont.
C'est qu'elle est à l'arrêt.
C'est qu'elle appuie bien sur son pied-crampon gauche. Il est à l'aval, il est complètement en travers de la pente, et ça ne gêne pas, au contraire = regardez comme ce crampon aval accroche bien.
En ski, comme en marche ordinaire, c'est le même principe = si vous ne voulez pas aller trop vite vers le bas, vous appuyez plus fort sur bâton ou la jambe "en bas".
A l'aise, mon équipière ! Elle pose, très relax...
Relax car le piolet droit, toujours à l'amont s'est rapproché du corps, elle s'appuie mieux dessus.
Elle est toujours à l'arrêt. Elle a conservé son bon appui jambe-pied-crampon gauche en aval.
Sa jambe droite n'est pas une patte de dahut, elle est un peu trop longue...
La solution de sécurité serait de monter cette jambe, de plier le genou, et de planter le crampon en amont, orienté parallèle à la pente , "sur les pointes avant"
Un peu flemmarde comme moi, pour mieux se tourner vers nous, elle préfère laisser presque pendre vers l'aval son pied droit. C'est vrai qu'à l'instant d'avant ( la photo au-dessus) son crampon droit en traviole ne lui servait pas à grand-chose de toutes façons, sauf à exercer une force opposée à celle que déployait son pied gauche...
Ici, ça va, on peut flemmarder, laisser pendre une jambe; c'est pas raide du tout. Mais faudrait pas abuser non plus!
Sur les 3 photos suivantes, exemple d'ascension "droit dans la pente", avec 2 piolets -dragonne. Avec 1 crampon "en pointes avant" et l'autre "en travers-amont".
Selon la pente, la neige,la fatigue ou pas, on peut progresser aussi en mettant les pieds "en canard". Sur pentes vraiment raides, c'est fatigant, mais indispensable par moments. On peut progresser aussi avec les 2 crampons "en pointes avant", mais quand la neige est très dure, devient glace = faire vraiment gaffe !
Un mois auparavant, ce n'était pas la même neige, ni la même météo.
Encore une fois, oubliez mon mauvais exemple de "grimpe à la paresseuse", avec le bâton qui traîne, suspendu au poignet . ( N'exagérons rien = je ne suis pas flemmard au point de ne pas raccourcir mes bâtons.)
Par contre, c'est un bon exemple pour "l'alpinisme-4 pattes", droit dans la pente.
Ainsi on abaisse notre centre de gravité de bipède, assez instable...
D'ailleurs, si j'avais envie ou besoin de faire une pose, sans rien bouger,à part abaisser les les genoux jusqu'à la neige, j'aurais une position relax. Je pourrais même éventuellement libérer un bras pour allumer une clope, faire une photo, etc,etc...
Ainsi on réduit les traversées et leurs risques, on évite les pas tournants, inconfortables et périlleux.
Piolet gauche ancré sans peine tout à l'amont, jambe-crampon droit à l'aval, et "en pointes avant", un autre appui.
La jambe gauche, avec le crampon en travers, mais vers l'amont, donne déjà un bon appui pour le moment où je vais soulever le pied droit pour l'amener en amont de l'autre.
Bien assuré aussi par le second piolet-dragonne, à mon bras droit, qui accroche la pente par la lame.
Un mois plus tard,suite de ce mouvement.
( la différence, c'est que j' ai passé mon second piolet à Emilie)
La jambe de droite est passée à l'amont et le crampon accroche sur les 2 pointes avant.
Dans le même temps, le piolet droit va venir se planter à l'amont du gauche.
Et à la fin du mouvement, c'est de nouveau stable, et repos tranquille si besoin = piolet droit en amont / jambe gauche à l'aval.
Quand on se tourne vers le bas, ou qu'on descend, les erreurs ou distractions sont périlleuses aussi.
1ère précaution = abaisser le centre de gravité. Plier les genoux, abaisser le dos...
2 ème précaution = un piolet / dragonne toujours planté. ( mieux encore = deux piolets...)
3 ème précaution = si on sent un un risque, même infime, ou une petite fatigue, descendre à reculons.
Quand il fait beau, on peut en profiter pour s'entraîner. Par mauvais temps, on n'a pas trop le temps de prendre du bon temps...
Retour en fin juillet, dans le haut du Pertuis = ce qui devait arriver arrive.
Si j'ai bon souvenir, elle montait ainsi, 1 bâton, 1 piolet, et ses 2 "10 pointes", dont le droit est mal ajusté. (Elle m'avait rendu le 2 ème piolet qui l' avait embarrassée dans des passages déneigés et caillouteux.)
L'instant précédent sa chute, je ne l'ai pas vu. J'entends un petit cri derrière moi, je vois Emilie qui commence à glisser sur le dos.
Curieusement, je ne m'affole pas, je vois qu'elle a encore le piolet en main (mais en l'air), je vois qu'elle n'a pas encore pris de la vitesse, je vois que les rochers les plus menaçants sont loin. Je lui crie : " Retourne-toi ! ... Retourne toi !".
Elle m'a entendu, je le sais, je vois qu'elle n'y parvient pas. Et là, je m'effraie...
Dans les manuels ou formations d'alpinisme, on explique, à fort juste titre, qu'en un cas pareil, qu'il faut se retourner sur le ventre pour freiner, stopper la glissade.
La raison ? à la fois simple et longue à expliquer. Faites donc des essais, sur une petite pente de neige, où à la plage, sur une dune de sable, si possible avec des crampons, en glissant sur le dos, puis sur le ventre.
Donc, faut se retourner. C'est la théorie. Mais comment y parvenir ? ça on l'explique moins...
Et mon équipière, qui pourtant glisse lentement, pas trop secouée par la pente, ne parvient pas à se retourner... le poids (pourtant raisonnable) du sac la gêne beaucoup...
En pratique (et en vécu), le retournement, ça donne à peu près ça =
- Ne pas avoir lâché son piolet ( d'où l'intérêt de la dragonne).
- Avoir suffisamment d'énergie mentale pour penser à passer le bras tenant le piolet en travers de sa poitrine, pour que la lame du piolet aille chercher la pente de l'autre côté du bras en question.
- La lame ( càd. la partie supérieure la plus effilée du piolet) va alors accrocher la neige, commençant à faciliter le retournement.
- Il faut encore un gros effort physique et mental pour terminer le retournement. Alors, le corps pèse sur le piolet qui s'enfonce alors solidement.
- On est brutalement freiné, sinon stoppé. Si vous avez la dragonne au poignet vous reliant au piolet, vous pouvez pousser un grand OUF ! (Attendez quand même de reprendre vos esprits, on peut prendre tout son temps à présent, vous êtes assurés au piolet. Attendez,..., relevez-vous lentement, avec précaution, pas la peine de recommencer l'expérience tout de suite !)
Sinon, sans dragonne, comptez sur une sacrée chance pour ne pas lâcher le piolet sous le choc de ce freinage brutal.
Beaucoup de formateurs ne recommandent pas la dragonne pour les piolets.
Moi je vous recommanderais bien un endroit où en fin de certaines saisons, on peut récupérer de bons piolets, très, très bon marché.
Leur seul défaut ? ils n'ont pas de dragonne . (Pas cher du tout d'en acheter ou d'en bricoler une ensuite) .
C'est dans les Ecrins, une certaine Brèche assez fréquentée.... la voici =
Emilie, tout ça, ça la fait bien rigoler.
Surtout quand on en est enfin sorti, de ce Pertuis, dont les dernières pentes déneigées en cette fin juillet, sont faciles.
Bon OK, elle a enrayé sa chute d'une façon peu orthodoxe, mais l'important, c'est le résultat, pas vrai ?
(Elle glissait, lentement, proche d'un bord rocailleux du couloir. Elle a renoncé à se retourner, ses pieds sont venus heurter la caillasse et l'ont stoppée.)
Plus tard, elle me dit l'instant qui a précédé la chute.
Après un passage plus raide, elle atteint un endroit plus "calme",..., elle se retourne pour souffler, regarder le paysage... sans prendre la précaution de planter le piolet en amont.
( D'ailleurs, la neige, dure, nécessite un certain effort pour enfoncer le piolet. Bref, à la longue, on a la flemme, on s'en dispense, surtout quand c'est "pas dangereux".)
On rigole bien, ça s'arrose !
Et ça tombe bien, la pluie nous trempe de plus en plus.
Sauf que le casse-croûte, c'est toujours pas pour maintenant. On grelotte. Mais on rigole.
On ne réfléchit pas beaucoup : Pas de camping. "Y a qu'à descendre jusqu'au Chalet du Merlet".
Moi je ne fais pas attention à l'heure. En tout cas, on a mis plus longtemps que les 4 ou 5 heures piano-piano qu'il m'avait fallu en juin, de la voiture à la sortie du Pertuis.
Fissa, on profite des derniers névés de juillet pour accélérer la descente.
Un yéti agile me poursuit, mais aucune inquiétude à avoir...
Pourtant, l'inquiétude va grandir, de nouveau.
Toujours pas de vent de Nord qui chasserait la pluie et ce brouillard.
Je connais le coin "par coeur", et pourtant...
Dans le brouillard, instinctivement, je préfère entraîner Emilie par un détour, pour éviter de nous trouver en fâcheuse posture, coincés au dessus des barres rocheuses sur notre gauche.
Plus à droite, nous longeons les lacs, les torrents qui descendent du Morétan.
Par rapport à ce que j'ai connu des étés précédents ou au mois de juin d'avant, c'est l'inondation !
Pas trop le temps de réfléchir, ( ni de faire des photos!) , je redoute le torrent en bas, déjà violent, périlleux et compliqué à franchir en juin,...
Pour la première fois de ma vie de montagnard, j'ai des crampes dans les mollets à force de sauter sur les éboulis instables et glissants ( crampes causées par le froid, le manque d'alimentation et d'hydratation)...
Mais j'accentue le détour, pour ne pas trop descendre et pouvoir franchir le torrent sans trop de galères.
Depuis un moment, Emilie me fait part de ses doutes, de ses inquiétudes.
Moi, habitué à marcher à l'heure solaire, je lui réponds que la lumière sombre est trompeuse, c'est le brouillard... Mon équipière a une montre, mais elle ne me dit pas quelle heure il est en réalité.
Ceci dit, le torrent que je redoutais, nous le franchissons à l'aise, pile -poil à l'endroit que je voulais, et je crie "Victoire !" = le Chalet du Merlet est à présent facile d'accès, pas loin,.... Suffit de descendre un peu ce vallon du Veyton, tranquille, large et herbagé.
Suffit de guetter sur notre droite le "torrent du Merlet", de le remonter un peu, le chalet, juste à sa rive droite, nous attend.
Au jour, où ces lignes sont écrites, le très accueillant et réconfortant Chalet du Merlet nous attend encore...
Suite et fin de cette histoire à dormir debout ? >> étendez -vous par ici <<
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Emilie et moi, nous sommes entrés en relation via >> Camptocamp <<
Via ce présent site aussi ( qui est fait pour , d'ailleurs).
Elle est lyonnaise ( on ne peut pas avoir toutes les qualités !), elle a envie de connaître Belledonne un peu mieux.
Ok, pour une virée de 2 jours "cool" , "facile", "juste un peu impressionnante par endroit, histoire de pouvoir se vanter un peu au retour". Histoire de s'apprivoiser réciproquement, avant une éventuelle virée plus sérieuse.
Ok, pour passer par le couloir du Pertuis, ça lui fait même pas peur.
Facile et rapide aussi de nous trouver une compatible "philosophie montagnarde" ( qu'on soit sur les sommets ou en plaine) : plutôt à l'écart des sentiers battus, zénitude parfaite, et aussi des engagements.
La difficulté , c'est de fixer une date qui convienne à chacun.
Plus compliqué encore = une date commune qui , 6 jours à l'avance, coïncide avec une météo potable...
Un genre de difficultés qui joue souvent sur la sécurité.
(En solo, cet aspect-là, agenda + météo, c'est plus simple à gérer, et même, carrément moins risqué.)
Autre genre difficultés = l'indispensable zénitude peut être confondue avec un optimisme exagéré, et l'engagement serein avec une obstination malencontreuse.
Ce photo-reportage contient aussi de petites leçons, des rappels ( que je me fais aussi à moi-même), concernant la sécurité.
Des distractions infimes, des petites négligences, ... = cela conduit vite à de graves ennuis.
JOUR 1 = Sale temps !
Pas d'bol... La journée de mauvais temps, que Météo-France annonçait en début de semaine pour le samedi, s'est retardée et déboule ce dimanche.Nous avons été retardés nous aussi, nous partons du parking du Gleyzin vers 12h 30.
Objectifs "prévus"du JOUR 1 = d'abord le couloir du Pertuis, et de l'autre côté, baignade et camping aux lacs du Morétan.
Ce second grand objectif d'alpinisme est d'emblée très compromis....
Les nuages s'assombrissent, s'éclaircissent, s'assombrissent... Nous prions tous les dieux de la Terre pour qu'ils ne nous soient pas trop violemment défavorables.
Je laisse la décision à Emilie =
Plan B = On se réfugie... au Refuge de l'Oule, à moins de 2 heures.
Plan C = On se chalète, après le couloir, en redescendant jusqu'au Chalet du Merlet.
Au pied du mur, au pied du couloir, on voit les maçons et les alpinistes.
Brève tentative de pause-casse-croûte, sous la pluie qui redouble d'intensité, et ous les grêlons, et moi, pas encore correctement vêtu, je grelotte.
Et brèves réflexions :
-- ... il n'est pas bien loin, ce refuge de l'Oule...
-- ... bah, on n'aura qu'à aller jusqu'au chalet du Merlet...
Nous avons encore foi dans le dieu Météo-France, qui nous a promis que ces cochonneries venues du Sud-ouest vont être balayées par unfort vent de Nord, nous ramenant l'anticyclone.
Mais dans combien de temps ???
Emilie, crampons aux pieds, indique la marche à suivre. Y a plus qu'à...
La sortie, c'est tout droit !
Enfin presque, car sur les 200, 400 derniers mètres , ça tourne à gauche.
Il y a un mois la neige montait jusqu'à ce gros rocher qu'on aperçoit et qui mesure facile 3 ou 4 mètres en hauteur.
Est-cette neige un peu bosselée par la fonte, reposant nos chevilles et mollets, qui facilite le début de notre ascension ?
En tout cas, il est assez sympa, ce large couloir du Pertuis.
Le risque de chute de pierres est nul, ou quasi nul. C'est rare, pour un couloir estival.
En hiver, il est bien avalancheux, c'est pourquoi, il garde longtemps une neige très tassée, même s'il est exposé au sud.
Petite erreur de mon équipière.
Elle n'avait pas vu le "petit bidule" qui permet d'ajuster la dragonne du piolet autour de son poignet. C'est vite résolu.
Faut quand même que je regarde aussi devant moi. 2 ou 3 minces ponts de neige à franchir.
Je tâte d'abord du bâton, avant d'y poser un pied . ( léger, le pied ! un pied de chamois, pas un pied de mammouth...)
Au pied du couloir, j'avais constaté que la neige était bien dure.
Un chouïa trop dure d'ailleurs, on s'en apercevra plus tard...
Je regarde aussi Emilie de temps à autre, elle se débrouille pas mal sur ses crampons.
Même si elle a moins d'entraînement et d'expérience que moi (moi qui suis un autodidacte du cramponnage en couloir, qui ai déjà vécu pas mal d'erreurs à ne pas commettre), je ne me fais pas de mouron.
Emilie, elle, a fait des initiations, des sorties avec le CAF, le Dôme des Ecrins...
Pourtant, sur cet agrandissement de la même photo, je vois une dangereuse erreur :
( sans parler du bâton, long, qui serait bien mieux en aval, et du piolet, plus court, qu'il faudrait tenir par le bras amont), les pieds, les crampons sont mal placés.
Emilie est en traversée ascendante, la pente sur sa droite.
(Les traversées, c'est très piégeux.)
Sa jambe/crampon droit, n'est pas assez orientée vers l'amont, le crampon prend une fâcheuse posture en "traviole", presque orientée vers le bas.Elle vient ou elle est en cours de soulever la jambe gauche, de l'aval vers l'amont.
Le croisement de jambes, le "croisement de crampons" n'est pas loin !
Croisement de crampons aussi casse-gueule que le croisement des skis, surtout avec un piolet mal placé...
Solution, en cas d'erreur de ce genre ?
"reculer", remettre doucement ce pied gauche en arrière en aval, bien en travers de la pente. L'appui sera bon. Ensuite déplacer le pied droit pour l'orienter plus franchement en direction de l'amont.
Principe valable pour toute progression en traversée, ascendante ou descendante, qu'on soit avec ou sans crampons = orienter toujours le pied amont vers l'amont.
La posture relativement dangereuse d'Emilie est favorisée par ses crampons, pas tout à fait ad-hoc.
Elle n'a pas de chaussures à "débord au talon", qui permettent d'y fixer des crampons "semi-automatiques".
Je lui ai prêté d'anciens crampons, à lanières,adaptables à toutes chaussures.
Seulement, le passage des lanières est plus compliqué. Après plusieurs arrêts-crampons, je m'en souviens = il faut croiser les lanières derrière, sur le talon.
De plus, ces crampons-là, ce sont des "10 pointes". Conçus plutôt pour des traversées de névés pas trop pentus, ils ont le petit avantage d'être plus légers.
Mais le gros inconvénient d'accrocher moins bien, dès que la pente se fait plus raide.
Dans un couloir pas trop méchant comme celui-ci, avec une neige ni verglacée, ni trop molle, "ça peut l'faire" . Mais ce n'est pas l'idéal.
Surtout quand on s'aperçoit un peu tard d'un autre grave défaut de ces vieux "10 pointes de marque SIMOND" ...
Voici mes "CHARLET 12 pointes"..., des "semi-automatiques" . ( OK, ils ont bien vécu, les pointes usées, ...)
Beaucoup plus "sécure" que des "10 pointes" et pas beaucoup plus onéreux.
Conseil de Laurent G = Achetez d'abord ce genre de 12 pointes,semi-automatiques.
C'est increvable,c'est passe-partout, et avec la sécurité et la facilité qu'ils vous procureront, vous vous habituerez à eux, vous les prendrez en affection.
Les chaussures, si vous n'avez plus de sous, vous les emprunterez...
Remarquez, sur l'un des 2 anneaux , un "bout élargi". Cela permet de tourner la vis (invisible sur la photo) afin de régler la longueur du crampon à la pointure de la chaussure. ( absolument inutile de serrer la vis comme une brute !)
Sur la talonnière noire, la molette jaune sert à parfaire ensuite l'ajustement au talon.
1- Réglage du crampon à la pointure = sans que les lanières soient serrées, en forçant un peu, le crampon doit déjà tenir sans bouger sous la chaussure.
2- Ce réglage se fait aussi en jouant sur la molette de la talonnière. En bloquant la talonnière sur le débord de la chaussure, on doit forcer un petit peu encore et obtenir un joli bruit de"clac".
Sur le terrain, faire des tests, en traversée, et en malmenant les crampons sur des rochers. Ils doivent rester parfaitement solidaires de la chaussure.
Les lanières sont presque accessoires, l'essentiel, c'est cette molette.
Cette molette est aussi un point fragile .Son pas de vis peut facilement s'encrasser, vérifier avant de partir qu'elle tourne bien, dans un sens comme un autre.
(Même avec ce genre de crampons très sûrs, j'ai vu plusieurs fois des gens en difficultés sérieuses = le crampon ne tenait pas sous la chaussure, faute d'avoir ajusté et vérifié les réglages la veille au refuge...)
Les soucis de crampon (au pied droit surtout) de mon équipière vont s'aggraver, il a tendance à se séparer de la chaussure. Mes vieux crampons SIMOND, je ne les ai vérifié qu'au dernier moment, Emilie avait aussi oublié de monter chez moi avec ses chaussures... Et j'ai mal fait le réglage en longueur, plus laborieux à effectuer sur ces crampons-là.
Au cours de la montée du couloir, nous essayons de rajuster la longueur de ce crampon = impossible, car la vis est fragile, je risque de l'abîmer définitivement avec le tournevis de mon couteau-suisse (qui convient parfaitement pour mes CHARLET), impossible car il faudrait avoir en plus une clé pour bloquer l'écrou.
Et pourtant..., dès avant le départ, j'avais des doutes, j'avais ajouté dans le coffre de la voiture le petit outillage nécessaire... Et pourtant..., on charge les sacs sur le dos, j'hésite une seconde,..., je charge les 3 kilos supplémentaires de tente, tout en me disant qu'elle ne servira pas, vu la mauvaise météo...
Et pourtant, un centième de seconde encore..., j'hésite encore, est-ce la pluie qui commence à tomber qui me distrait ?...
Non, en un millième de seconde, je la prends cette décision = ces quelques grammes d'outils à crampons restent dans le coffre.
Pas un oubli, non, mais une décision de ma part, sans prendre une seconde de réflexion. Stupidité sans fond de ma part !
En montagne, ne pas se donner le temps d'observer et de réfléchir, c'est stupide.
Et dangereux ! (surtout quand "on sait", quand "on connaît")
Je fais une petite démonstration à Emilie d'ascension plus directe dans la pente, avec les 2 piolets.
Ne suivez pas le mauvais exemple que je lui ai montré, "la grimpe à la paresseuse" , piolets bien en mains certes, mais sans mettre les bâtons sur le sac, les laissant suspendus aux poignets, traînant au sol.
Idéal pour trébucher, surtout quand on n'a pas une grande habitude de la "paresse".
Et regardez plutôt sa jambe droite et son pied droit. Ils sont encore en amont, mais encore en traviole, la moitié des crampons accrochant l'air, plutôt que la neige...
OK, elle a bon appui sur la jambe / crampon gauche, en aval, ...Mais que va-t-il se passer quand, selon un geste qui paraît normal, elle va soulever cette jambe gauche = quasi zéro appui sur les jambes - pieds- crampons.
Rien de grave pour le moment, car , grâce au 2ème piolet, (celui qui se trouve présentement en amont, dans sa main droite), elle corrige, spontanément, l'erreur de son pied droit. Elle se "penche vers le haut", enfonçant plus fermement et avec moins de difficulté piolet.
Si jamais elle croisait maintenant ses crampons, elle chuterait sur les genoux, mais ne glisserait pas, retenue par le couple piolet / dragonne.
Le plus sûr pourtant serait qu'elle conserve d'abord ces 2 bons appuis (piolet droit en amont, jambe-crampon gauche, en aval. Sans soulever cette jambe d'appui, tourner le reste du corps vraiment vers l'amont, et notamment ce bras gauche, avec son piolet gauche qui ne demande qu'à venir l'aider et la sécuriser en se plantant en amont.
J'exagère la description du mouvement =
1) On ne bouge pas les pieds. 2) Commencer à tourner le reste du corps vers l'amont. 3) En même temps qu'on tourne le corps, ce bras gauche en aval, avec son piolet qui pendouille dans l'air, il faut le lever au-dessus de sa tête, l'amener vers l'amont 4) Le bras va retomber naturellement, et ce second piolet va se planter facilement à l'amont. Son pied-crampon droit va quitter tout seul cette position "en traviole", et s'orienter lui aussi vers l'amont.
L'instant suivant, Emilie, au lieu de continuer l'ascension, se tourne vers le bas (et on le lui pardonne bien volontiers, car c' est pour me faire un sourire. A vous aussi.)
La neige, bosselée par la fonte par endroits, (offrant ainsi aux pieds de mini-horizontalités ) et la pente moins raide ici lui apporte "confort et sécurité".
Elle a le sourire, avec cette découverte géniale des 2 piolets-dragonne
( en réalité," l'alpinisme - 4 pattes" a depuis longtemps été inventé par les chamois) .
Ellle se sent en sécurité...
Même si son campon droit est encore plus en traviole que précédemment.
Même si tournée vers le bas, elle appuie moins sur son piolet droit à l'amont.
C'est qu'elle est à l'arrêt.
C'est qu'elle appuie bien sur son pied-crampon gauche. Il est à l'aval, il est complètement en travers de la pente, et ça ne gêne pas, au contraire = regardez comme ce crampon aval accroche bien.
En ski, comme en marche ordinaire, c'est le même principe = si vous ne voulez pas aller trop vite vers le bas, vous appuyez plus fort sur bâton ou la jambe "en bas".
A l'aise, mon équipière ! Elle pose, très relax...
Relax car le piolet droit, toujours à l'amont s'est rapproché du corps, elle s'appuie mieux dessus.
Elle est toujours à l'arrêt. Elle a conservé son bon appui jambe-pied-crampon gauche en aval.
Sa jambe droite n'est pas une patte de dahut, elle est un peu trop longue...
La solution de sécurité serait de monter cette jambe, de plier le genou, et de planter le crampon en amont, orienté parallèle à la pente , "sur les pointes avant"
Un peu flemmarde comme moi, pour mieux se tourner vers nous, elle préfère laisser presque pendre vers l'aval son pied droit. C'est vrai qu'à l'instant d'avant ( la photo au-dessus) son crampon droit en traviole ne lui servait pas à grand-chose de toutes façons, sauf à exercer une force opposée à celle que déployait son pied gauche...
Ici, ça va, on peut flemmarder, laisser pendre une jambe; c'est pas raide du tout. Mais faudrait pas abuser non plus!
Sur les 3 photos suivantes, exemple d'ascension "droit dans la pente", avec 2 piolets -dragonne. Avec 1 crampon "en pointes avant" et l'autre "en travers-amont".
Selon la pente, la neige,la fatigue ou pas, on peut progresser aussi en mettant les pieds "en canard". Sur pentes vraiment raides, c'est fatigant, mais indispensable par moments. On peut progresser aussi avec les 2 crampons "en pointes avant", mais quand la neige est très dure, devient glace = faire vraiment gaffe !
Un mois auparavant, ce n'était pas la même neige, ni la même météo.
Encore une fois, oubliez mon mauvais exemple de "grimpe à la paresseuse", avec le bâton qui traîne, suspendu au poignet . ( N'exagérons rien = je ne suis pas flemmard au point de ne pas raccourcir mes bâtons.)
Par contre, c'est un bon exemple pour "l'alpinisme-4 pattes", droit dans la pente.
Ainsi on abaisse notre centre de gravité de bipède, assez instable...
D'ailleurs, si j'avais envie ou besoin de faire une pose, sans rien bouger,à part abaisser les les genoux jusqu'à la neige, j'aurais une position relax. Je pourrais même éventuellement libérer un bras pour allumer une clope, faire une photo, etc,etc...
Ainsi on réduit les traversées et leurs risques, on évite les pas tournants, inconfortables et périlleux.
Piolet gauche ancré sans peine tout à l'amont, jambe-crampon droit à l'aval, et "en pointes avant", un autre appui.
La jambe gauche, avec le crampon en travers, mais vers l'amont, donne déjà un bon appui pour le moment où je vais soulever le pied droit pour l'amener en amont de l'autre.
Bien assuré aussi par le second piolet-dragonne, à mon bras droit, qui accroche la pente par la lame.
Un mois plus tard,suite de ce mouvement.
( la différence, c'est que j' ai passé mon second piolet à Emilie)
La jambe de droite est passée à l'amont et le crampon accroche sur les 2 pointes avant.
Dans le même temps, le piolet droit va venir se planter à l'amont du gauche.
Et à la fin du mouvement, c'est de nouveau stable, et repos tranquille si besoin = piolet droit en amont / jambe gauche à l'aval.
Quand on se tourne vers le bas, ou qu'on descend, les erreurs ou distractions sont périlleuses aussi.
1ère précaution = abaisser le centre de gravité. Plier les genoux, abaisser le dos...
2 ème précaution = un piolet / dragonne toujours planté. ( mieux encore = deux piolets...)
3 ème précaution = si on sent un un risque, même infime, ou une petite fatigue, descendre à reculons.
Quand il fait beau, on peut en profiter pour s'entraîner. Par mauvais temps, on n'a pas trop le temps de prendre du bon temps...
Retour en fin juillet, dans le haut du Pertuis = ce qui devait arriver arrive.
Si j'ai bon souvenir, elle montait ainsi, 1 bâton, 1 piolet, et ses 2 "10 pointes", dont le droit est mal ajusté. (Elle m'avait rendu le 2 ème piolet qui l' avait embarrassée dans des passages déneigés et caillouteux.)
L'instant précédent sa chute, je ne l'ai pas vu. J'entends un petit cri derrière moi, je vois Emilie qui commence à glisser sur le dos.
Curieusement, je ne m'affole pas, je vois qu'elle a encore le piolet en main (mais en l'air), je vois qu'elle n'a pas encore pris de la vitesse, je vois que les rochers les plus menaçants sont loin. Je lui crie : " Retourne-toi ! ... Retourne toi !".
Elle m'a entendu, je le sais, je vois qu'elle n'y parvient pas. Et là, je m'effraie...
Dans les manuels ou formations d'alpinisme, on explique, à fort juste titre, qu'en un cas pareil, qu'il faut se retourner sur le ventre pour freiner, stopper la glissade.
La raison ? à la fois simple et longue à expliquer. Faites donc des essais, sur une petite pente de neige, où à la plage, sur une dune de sable, si possible avec des crampons, en glissant sur le dos, puis sur le ventre.
Donc, faut se retourner. C'est la théorie. Mais comment y parvenir ? ça on l'explique moins...
Et mon équipière, qui pourtant glisse lentement, pas trop secouée par la pente, ne parvient pas à se retourner... le poids (pourtant raisonnable) du sac la gêne beaucoup...
En pratique (et en vécu), le retournement, ça donne à peu près ça =
- Ne pas avoir lâché son piolet ( d'où l'intérêt de la dragonne).
- Avoir suffisamment d'énergie mentale pour penser à passer le bras tenant le piolet en travers de sa poitrine, pour que la lame du piolet aille chercher la pente de l'autre côté du bras en question.
- La lame ( càd. la partie supérieure la plus effilée du piolet) va alors accrocher la neige, commençant à faciliter le retournement.
- Il faut encore un gros effort physique et mental pour terminer le retournement. Alors, le corps pèse sur le piolet qui s'enfonce alors solidement.
- On est brutalement freiné, sinon stoppé. Si vous avez la dragonne au poignet vous reliant au piolet, vous pouvez pousser un grand OUF ! (Attendez quand même de reprendre vos esprits, on peut prendre tout son temps à présent, vous êtes assurés au piolet. Attendez,..., relevez-vous lentement, avec précaution, pas la peine de recommencer l'expérience tout de suite !)
Sinon, sans dragonne, comptez sur une sacrée chance pour ne pas lâcher le piolet sous le choc de ce freinage brutal.
Beaucoup de formateurs ne recommandent pas la dragonne pour les piolets.
Moi je vous recommanderais bien un endroit où en fin de certaines saisons, on peut récupérer de bons piolets, très, très bon marché.
Leur seul défaut ? ils n'ont pas de dragonne . (Pas cher du tout d'en acheter ou d'en bricoler une ensuite) .
C'est dans les Ecrins, une certaine Brèche assez fréquentée.... la voici =
Emilie, tout ça, ça la fait bien rigoler.
Surtout quand on en est enfin sorti, de ce Pertuis, dont les dernières pentes déneigées en cette fin juillet, sont faciles.
Bon OK, elle a enrayé sa chute d'une façon peu orthodoxe, mais l'important, c'est le résultat, pas vrai ?
(Elle glissait, lentement, proche d'un bord rocailleux du couloir. Elle a renoncé à se retourner, ses pieds sont venus heurter la caillasse et l'ont stoppée.)
Plus tard, elle me dit l'instant qui a précédé la chute.
Après un passage plus raide, elle atteint un endroit plus "calme",..., elle se retourne pour souffler, regarder le paysage... sans prendre la précaution de planter le piolet en amont.
( D'ailleurs, la neige, dure, nécessite un certain effort pour enfoncer le piolet. Bref, à la longue, on a la flemme, on s'en dispense, surtout quand c'est "pas dangereux".)
C'est bien ce que je pensais, ce que j'avais déjà plusieurs fois constaté :
Les endroits "pas dangereux" sont très dangereux.
On rigole bien, ça s'arrose !
Et ça tombe bien, la pluie nous trempe de plus en plus.
Sauf que le casse-croûte, c'est toujours pas pour maintenant. On grelotte. Mais on rigole.
On ne réfléchit pas beaucoup : Pas de camping. "Y a qu'à descendre jusqu'au Chalet du Merlet".
Moi je ne fais pas attention à l'heure. En tout cas, on a mis plus longtemps que les 4 ou 5 heures piano-piano qu'il m'avait fallu en juin, de la voiture à la sortie du Pertuis.
Fissa, on profite des derniers névés de juillet pour accélérer la descente.
Un yéti agile me poursuit, mais aucune inquiétude à avoir...
Pourtant, l'inquiétude va grandir, de nouveau.
Toujours pas de vent de Nord qui chasserait la pluie et ce brouillard.
Je connais le coin "par coeur", et pourtant...
Dans le brouillard, instinctivement, je préfère entraîner Emilie par un détour, pour éviter de nous trouver en fâcheuse posture, coincés au dessus des barres rocheuses sur notre gauche.
Plus à droite, nous longeons les lacs, les torrents qui descendent du Morétan.
Par rapport à ce que j'ai connu des étés précédents ou au mois de juin d'avant, c'est l'inondation !
Pas trop le temps de réfléchir, ( ni de faire des photos!) , je redoute le torrent en bas, déjà violent, périlleux et compliqué à franchir en juin,...
Pour la première fois de ma vie de montagnard, j'ai des crampes dans les mollets à force de sauter sur les éboulis instables et glissants ( crampes causées par le froid, le manque d'alimentation et d'hydratation)...
Mais j'accentue le détour, pour ne pas trop descendre et pouvoir franchir le torrent sans trop de galères.
Depuis un moment, Emilie me fait part de ses doutes, de ses inquiétudes.
Moi, habitué à marcher à l'heure solaire, je lui réponds que la lumière sombre est trompeuse, c'est le brouillard... Mon équipière a une montre, mais elle ne me dit pas quelle heure il est en réalité.
Ceci dit, le torrent que je redoutais, nous le franchissons à l'aise, pile -poil à l'endroit que je voulais, et je crie "Victoire !" = le Chalet du Merlet est à présent facile d'accès, pas loin,.... Suffit de descendre un peu ce vallon du Veyton, tranquille, large et herbagé.
Suffit de guetter sur notre droite le "torrent du Merlet", de le remonter un peu, le chalet, juste à sa rive droite, nous attend.
Au jour, où ces lignes sont écrites, le très accueillant et réconfortant Chalet du Merlet nous attend encore...
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